Adonis

Cette chronique veut vous entretenir d’une particularité libanaise. Bien souvent notre époque demande de l’exotisme afin de nous divertir d’une vie assez conventionnelle dans un cadre qui à tendance à s’uniformiser mondialement. Le même ordinateur, téléviseur ou réfrigérateur se retrouve dans toutes les cuisines équipées convenablement. Ainsi nous voyons des Suédois, lassés des splendeurs des neiges scandinaves attendant à leur porte une contemplation recommencée, passer leurs fêtes de fin d’année sous les tropiques. Au grand risque d’être happé l’imprévu d’un tsunami mortel ! De plus notre époque s’impose par l’exigence d’images tyranniques ; l’exotisme se doit d’être chatoyant. Il faut aller à Bali voir les danses bouddhiques d’une décoration époustouflante et d’une technique gestuelle parfaite. Il faut aller en Chine pour errer au travers des multiples cours impériales ; depuis la Porte du Ciel, ensuite la porte de la Suprême Harmonie, la salle de l’Harmonie Suprême faisant écho à la salle de la préservation de l’Harmonie avec entre les deux la salle de l’Harmonie Parfaite où devait engendrer l’Empereur. Est-ce fini ? La trilogie se poursuit au féminin sur le même axe du nord. La porte de la Pureté Céleste vous conduit au Palais de la Pureté Céleste faisant écho au Palais de la Tranquillité Céleste avec une salle d’union entre le deux. En ces lieux fallait-il espérer une fille ? Pour le reste du pays en pleine expansion économique, tend à ressembler aux autres quartiers d’une ville d’un pays développé. Aux vacances prochaines, faudra-t-il aller découvrir la dernière tribu amazonienne dans la moiteur d’une jungle épaisse afin de ressentir un véritable dépaysement ? A moins qu’il faille parcourir la taïga sibérienne et entrer dans la yourte du dernier chaman mongole éclairée et parfumée à l’huile de phoques ou de bison et goûter au lait caillé de jument. Dans un sursaut de méditation, vous pouvez vous élever vers les sommets himalayens aux sources du Gange au risque de rencontrer le moine tibétain de la Sagesse Suprême être un simple téléspectateur d’une émission quelconque de divertissement. La technologie du panneau solaire aux cellules photovoltaïques offre cette ressource.

Dans ce domaine visuel le Liban restera toujours moins étonnant que la moindre vallée d’Afghanistan. Pourtant j’ose prétendre que l’exotisme libanais, qui passe par la tête offre plus de raison de s’interroger et d’apprécier que tout autre lieu au monde. Si de surcroît je vous avoue que cette fameuse tête et un joli visage féminin, votre sourire compréhensif, ami lecteur, je suis sûr, me permettra de continuer.

Nul ne contestera que le Liban possède toutes les interrogations de civilisations de l’Orient. On y rencontre en modèle typique toute la diversité d’espérances et de craintes possibles.

En Occident nous assistons à l’ascension de la femme dans toute sa plénitude au maximum de ses possibilités, excepté la maternité. Une telle, (Hélène Mac Arthur ou Florence Arthaud) seule à bord de son vaisseau tourne en solitaire sur tous les océans depuis les quarantièmes rugissants jusqu’aux cinquantièmes hurlants. Une autre (Christelle Destivel) à la seule force de ses poignets, allant jusqu’aux bouts de ses phalanges d’aciers, escalade une vertigineuse paroi de rocher nu. Son compagnon « de fortune » tout en prenant les photos nécessaires à la gloire médiatique et esthétique, choisit une pente plus accommodante jusqu’au sommet. La varappeuse solitaire sourit au sommet atteint …mais la photo attestant l’exploit doit être prise par un photographe. Malgré mes recherches assidues, piqué par la curiosité, je ne verrai jamais la silhouette de cet homme si dévoué. Le Garde des Sceaux du gouvernement français s’étonne, en souriant bien sûr, que la nouvelle promotion d’avocats soit à quatre-vingt cinq pour cent féminine. Le major, encore pour une fois un jeune homme, s’interroge en ironisant, bien sûr, peut-être de la nécessité d’établir un quota… pour les hommes cela va sans dire. Si pour chercher vraiment fortune il vous faut aller dans le domaine boursier des finances internationales. Il y a fort à parier que vous rencontrerez divers visages féminins dans les conseils d’argent. Elles vous offriront des plus suaves regards vous troublant au plus profond de votre cœur, jusqu’aux plus sévères, ridiculisant la plus légère idée galanterie. Cependant vous aurez toujours droit au sourire exactement adapté à l’heure et au temps. Ainsi vous pourrez suivre leurs positions dans la hiérarchie de l’entreprise comme du temps. Les deux se croisent dans l’ascension comme dans leur fuite inexorable. Je crois que dans ce domaine il restera toujours un fond puissamment typiquement féminin. Sans déplacement, toutes les émotions…financières y sont garanties. Il n’y a pas jusqu’aux autels de la religion qui sans revendications agressives mais dans un naturel de substitution sans prétention, qui ne soient environnés d’aimables chignons ou de gracieuses queues de cheval. Votre sourcil se fait simplement interrogateur, les regards des filles de choeur, en toute innocence, vous r répondent ; « Pourquoi pas ? »

Dans cet Orient, prit au sens le plus large, la femme reste en attente de prendre toute sa dimension de personne pleine et entière. S’il est un domaine où le contraste entre Orient et Occident y est criant c’est bien dans celui de la féminité.

Je vais vous faire une révélation à Adonis dans la municipalité de Zouk-Mosbeh dans le caza du Keserouan vous avez le point biaoli du Taijitù de l’Orient. Cette phrase renferme bien des mystères qui méritent d’être éclaircis. Au cours de vos lectures vous avez, sûrement, rencontré un reliquat de philosophie chinoise du taoïste ou néo-confucianiste dans les deux catégories symbiotiques et complémentaires du Yin féminin et du Yang masculin. Sa représentation symbolique est un cercle partagé en deux égales parties noire et blanche par une sinuosité. Cette expression est le fameux Taijitù. Nous le retrouvons dans le drapeau de la République de la Corée du Sud entouré de quatre autres symboles. Cependant bien souvent on oublie de signaler l’importance de la particularité du point de couleur contraire servant de noyau à l’une des parties ; le biaoli. D’ailleurs certains Chinois appellent ce Taijitù « les poissons yin-yang » les biaolis servent d’œil à chacun des deux.

Je ne saurais vous dire où se situe le biaoli très machiste de l’Occident. Est-il au fin fond d’un pub londonien environné des vapeurs de scotch de gentleman ne cédant rien dans leurs manières de vivre depuis un siècle ? Est-il au fin fond d’une ganaderia d’Andalousie où le culte taurin fait de cuirs, de sueurs et parfois de sang exclut la femme ?

Par contre la domination féminine dans tout l’Orient réside à Adonis. A cet endroit se situe le biaoli du deuxième complément faisant tourner le monde. Est-ce que j’exagère ? Certes nous voyons toujours midi à sa porte mais il n’en reste pas moins que le tribunal religieux de Maronites se situe à cet endroit précis. Un chanoine, qui m’honore de son amitié, ayant pour fonction de traiter les cas de divorce me confirme que huit cas sur dix son demandé par l’épouse. L’homme, le mari serait particulièrement odieux dans le Keserouan ?

Nullement. La plupart des motifs affichés sont d’une futilité…toute féminine. En vérité ils cache des exigences de statut social plus extravagantes les unes que les autres. Tout en agrandissant le parking, les consultations en 4x4 sont bien accueillies en matinée, les autorités ecclésiastiques restent inflexibles ; le divorce demeure exceptionnel. De toute façon il coûte extrêmement cher. C’est un argument très dissuasif.

Pourtant chères dames et demoiselles que ne font pas les hommes afin tout d’abord ; pour vous plaire en une cour assidue. Ne voyez-vous pas soudain des jeunes hommes raisonnables courir des kilomètres sous le soleil, le matin puis le soir, afin de perdre quelques malheureux kilos de trop ! En salle, sur les bords de mer, en montagne que de transpirations, de suffocations ! Puis pour vous satisfaire, certains partent au bout du monde, puis reviennent, repartent à nouveau ! Chaque progression vers vous demande un infini tact avec des exploits économiques époustouflants. Il suffit de se promener dans le quartier, au printemps en particulier, pour constater la domination complète d’Eve sur tous les âges de la vie. Depuis la tendre adolescente où le regard change de profondeur jusqu’à la jeune grand-mère conduisant plus ou moins discrètement le ménage de sa fille ou de son fils. Quelles symphonies de couleurs dans son humanité si diverse ! Ce n’est pas une nouveauté mais il est bon de le répéter. Les demoiselles semblent mieux maîtriser les promesses extraordinaires offertes par la vie dans leur jeunesse que les garçons toujours un peu maladroit devant le potentiel que l’avenir leur propose. Connaissez-vous un autre lieu en Orient où chaque détail vestimentaire dont s’orne les jeunes corps prend une valeur aussi grande qu’à Adonis ? Ce scherzando de la première parade amoureuse demeure une perfection. Chaque aiguillette se balançant sur la hanche est calculée. Chaque chaînon de chaînette allant d’un passant de ceinture à l’autre est mesuré dans ses effets. Parfois en d’autres contrées nous rencontrons une plus grande décontraction côtoyant la négligence volontaire. En d’autres endroits l’égalité revendiquée pousse vers une sècheresse excluant la moindre de sentimentalisme. Défaut symétrique sous d’autres cieux d’une autre époque ; certaines demoiselles s’ouvrent trop aux émotions au point d’atteindre une naïveté propice à toutes les tromperies de la vie. Voyant Adonis, je mesure à sa juste valeur l’équilibre parfait atteint sous notre petit coin de ciel bleu.

Nous parlions des autels en Europe environnés de nouveau enfants de chœur, ici en Orient, à Adonis, en la grande église de Saint Charbel l’œil yin, le fameux biaoli, du poisson yang atteint une intensité fabuleuse. A l’occasion des fêtes de Pâques nous en avons eu un exemple éclatant. Au Liban, la tradition veut que la Résurrection du Sauveur se renouvelle dans la nuit du Samedi Saint au Dimanche de Pâques par une messe de minuit, comme pour Noël.

L’assistance est nombreuse, et l’atmosphère recueillie au cœur de la nuit. Avant que ne commence l’office, la chaleur des cierges, l’abondance des fleurs, et les chants accompagnaient la méditation de chacun dans une chaude fraternité. La présence féminine est prédominante autour de l’autel comme servant, comme en Europe. Nous retrouvons cette même caractéristique dans les jeunes gens guidant l’assistance afin de trouver des places. Une fois bien en place sur un banc, à ma place, votre esprit ne pouvait éviter d’être attiré par l’omniprésence des jeans dans l’habillement des jeunes filles. Chacune voulant mettre sa personnalité en relief ; qui par la ceinture, qui par des aigrettes ou autres chaînettes. Une, arriva même un peu en retard quand tout le monde était assis et demanda avec le plus beau sourire du monde, sa place sur la file d’un banc. Toute sa personne avait la perfection de la jeunesse aimable. Au niveau des hanches, mille éclats de mica sur les coutures de son jeans accompagnaient ses moindres mouvements.

En pleine chœur d’une cérémonie religieuse ! Que de Vénus callipyges venaient louer le triomphe de la vie, en ce printemps, sur la mort ! La possession des codes vestimentaires en marque le degré de la maîtrise d’une civilisation. Sur ce plan le Liban reste un remarquable observatoire. Il n’en reste pas moins que cette vénusté marque le monde de notre « Occident » de la même manière que les caméras et autres vidéos font parties d’un mariage normal. Adonis Zouk-Mosbeh illustre cette particularité sur les rives de l’Orient.

La chanson continue après le mariage. Observez comme la jeune mariée d’un an et différente de celle de deux ans puis arrivent les premiers enfants ; le crescendo du duo prend une force souple et resplendissante d’une apothéose. On a fait le tri dans les amitiés de garçon de son époux. Peu on réussit le passage de l’épreuve de l’exclusive. La voiture automobile gagne aussi en puissance. La séduction s’affirme plus souveraine dans sa sûreté. Cet éclat étincelle au moment de confier « les trésors » à la garderie idoine. Nous pauvres hommes que pouvons faire sinon de tenter de suivre cette ascension dans le théâtre de la réussite sociale. Quant à vous satisfaire entièrement, mes dames, cela me paraît tout simplement impossible. Celui qui à la force on lui demande la subtilité la plus raffinée. Celui qui se croît riche on lui montre que la voisine a déjà changé de cuisine et de voiture. Celui qui se trouve intelligent fera bien quelques étourderies afin de se faire reprendre par un simple regard.

Attendez encore une dizaine d’année et vous verrez la femme méditative devant ses enfants commençant à s’émanciper. C’est elle qui les éduque. Elle leurs donne la touche finale. L’homme tente d’offrir le bon exemple mais les illusions se sont enfuies et le corps se fait lourd. Ainsi se succède les phases de la vie dans l’œil du yang oriental.

Connaissiez-vous cette particularité libanaise ? Je devine qu’il doit en avoir d’autres. Evidemment je ne parle pas des monuments ou des aspects géographiques méritant toute notre attention. Je veux simplement y ajouter ce fameux exotisme d’attitude que le voyageur pressé n’a pas toujours le temps de ressentir ou plutôt de saisir. Nous qui avons le privilège de vivre au pays des Cèdres nous pouvons découvrir des qualités discrètes. Cette relation du féminin au masculin en une, dans ses dimensions les plus profondes. Quelles se cristallisent en un lieu géographique précis n’en ajoute que plus de plaisir de la découverte. Nous avons bien les couvents et monastères qui sont des hauts lieux de spiritualité. D’autres quartiers se concrétisent en quartiers d’affaires. Il est vrai que ceux-ci sont assez visibles. Pour Adonis il faut ouvrir un peu plus longtemps les yeux et les oreilles. Même si nous ne comprenons pas toute les paroles nous en reconnaissons l’air.

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